mercredi 20 juin 2007

Fable sur la naissance d'un nouveau monde

  1. Quand au commencement apparu l'ordinateur, que dans les chaumières on appela le "PC", l'homme émerveillé cru que cela était bon. Il se mit à sa nouvelle machine à écrire et lui confia ses notes, ses feuilles de calcul, ses rapports et même son courrier qu'il imprimait et confiait ensuite au service postal.
  2. Quand ensuite apparu le modulateur-demodulateur - "modem" - et la connexion aux réseaux, l'homme inventa le courrier électronique - "courriel" ou "email" - qui lui permit d'économiser papier, encre et timbre-poste. Il vit que cela était bon, car rapide comme la lumière et économique comme ce qui est déjà payé par ailleurs.
  3. Le troisième jour apparu "la Toile", nouveau monde de documents tous affichables à l'écran, mystérieusement reliés les uns aux autres par des liens "hypertextuels". Il découvrit qu'il pouvait "naviguer" de document en document, en faisant fi des distances physiques entre les "sites" où ils étaient déposés tout autour de la planète, n'ayant même pas à connaître le détail des connexions de ce réseau qui commençait à dominer tous les autres, l'Internet. Il se mit alors à rêver que, puisque tout auteur, souhaitant être lu par le plus grand nombre de lecteurs possibles, pouvait déposer ses oeuvres écrites électroniquement sur "son" site, Gütemberg pouvait être définitivement remercié et les grands éditeurs, de livre ou de presse, contournés.
  4. Le quatrième jour il reçu le cadeau de grands catalogues, dictionnaires et encyclopédies et, surtout, de nouveaux services ("moteurs") de recherche documentaire lui permettant de diminuer drastiquement son temps de "navigation" jusqu'au moment de la découverte du (ou des quelques) document(s) répondant à tous ses voeux dès qu'il sû les formuler. Ne sachant qui remercier (Google , Kartoo , Exalead ou un autre) pour un tel cadeau, il commenca à croire - un peu - à la générosité de ses semblables et à la gratuité de leurs oeuvres.
  5. Le cinquième jour on lui annonça que les petits modems étaient devenus de grands modem-"routeurs" ouvrant sur des réseaux à "haut débit" et qu'il pourrait désormais, surtout s'il était riche et urbain, diffuser courriels et documents sans plus se soucier de leurs volumes. Tout réjoui, il se mis à échanger - même avec des inconnus! - des photos, des enregistrements sonores et même des films - pas toujours acquis honnêtement! Son enthousiasme dès lors n'eut plus d'autre limite que la taille de son écran, la puissance de ses haut-parleurs et les trop courtes 24 heures de sa vie quotidienne.
  6. Le sixième jour il découvrit qu'il pouvait se projeter dans le monde du "Net" (ainsi l'appelait-il à présent) tel Jupiter descendant de l'Olympe au milieu des humains en pouvant prendre autant d'apparences différentes ("avatars") qu'il convenait à ses aventures nombreuses. Les pseudonymes, identifiants pour email, journaux, albums-photos et toutes les autres "ressources" du "Web" lui étaient offertes presque sans autre limite que celle des dépôts de noms (hiérarchisés par "espaces de noms") et celle de la génération des adresses sur l'Internet. Il fut pris de vertige et, selon qu'il était modeste ou présomptueux, il usa de ce nouveau privilège des dieux avec ou sans modération et raison gardée.
  7. Le septième jour il comprit tout à coup qu'avoir un ordinateur personnel ne lui était plus vraiment nécessaire parce qu'il pouvait exister "virtuellement" sur le "Net" sans devoir y accéder depuis un appareil ou une ligne fixe, qu'il était désormais comme plongé dans une sorte de sphère planétaire de machines communicantes et qu'il lui suffisait de se souvenir des "identités numériques" qu'il se serait créées pour entrer dans ce nouveau monde depuis n'importe quel point d'accès fixe ou mobile, avec ou sans fil, qui pourrait s'ouvrir à lui. Ennivré mais fatigué de toutes ces découvertes, très excité mais un peu inquiet - n'y aurait-il pas un tribut à payer à quelque diable caché? - il décida de se reposer.
Il y eut un autre soir et un autre matin...